Dans sa tête, un chaos silencieux : vivre avec des pensées obsessionnelles sans rituels
- Charlotte Sancho
- 23 mars
- 3 min de lecture
Témoignage fictif et éclairage psychologique
Camille, 32 ans, mène une vie ordinaire. Elle aime dessiner, passer du temps avec ses amis, elle est douce, attentionnée, toujours prête à aider.
Mais personne ne sait ce qu’elle vit en silence depuis plusieurs années.
Une après-midi comme une autre, alors qu’elle attendait sur le quai du métro, une pensée est apparue.
Brutale. Inattendue. Terrifiante.
“Et si je poussais cette femme sur les rails ?”
Son cœur s’est emballé, sa gorge s’est serrée, et pourtant, elle n’a pas bougé.
De l’extérieur, rien ne transparaissait. Mais en elle, c’était la panique.
Cette pensée ne l’a plus jamais quittée.
Quand la pensée devient obsession
Ce n’était pas la première pensée étrange que Camille avait eue, mais celle-ci l’avait choquée. Elle a commencé à éviter les quais de métro bondés.
Puis elle a redouté les couteaux dans sa cuisine.
Ensuite, ce sont les enfants qu’elle a évités, de peur de faire un geste irréparable.
Elle n’avait aucune envie de faire du mal. Bien au contraire.
C’est justement parce qu’elle se sentait profondément bienveillante que ces pensées l’ont mise dans un état d’alerte permanent.
Phobie d’impulsion : une peur de soi-même
Ce que vivait Camille porte un nom : la phobie d’impulsion.
Il s’agit d’un type de TOC (trouble obsessionnel compulsif) dans lequel la personne est envahie par des pensées violentes, inacceptables ou absurdes… qu’elle ne veut pas avoir.
Le cœur du problème ?
La peur de perdre le contrôle.
Et si un jour, cette pensée devenait réalité ?
Camille passait des heures à se rassurer intérieurement, à repasser les faits, à se convaincre qu’elle n’était pas un danger.
Mais ces tentatives de contrôle ne faisaient que renforcer le doute.
Et plus le doute grandissait, plus les pensées revenaient.
Quand les rituels sont invisibles
Au fil du temps, Camille a développé d’autres obsessions :
“Et si je n’aimais pas vraiment mon partenaire ? Et si j’étais attirée par quelqu’un d’autre ?”
Cette fois, elle ne fuyait pas les lieux ni les objets.
Mais dans sa tête, elle menait un combat permanent.
Elle passait son temps à analyser, ruminer, chercher une certitude impossible à atteindre.
Sa thérapeute a mis des mots sur ce qu’elle vivait :
un TOC sans rituels visibles, aussi appelé “pure obsession” ou “pure O”.
Ces formes de TOC sont souvent méconnues parce qu’il n’y a pas de comportements extérieurs évidents.
Pas de lavages de mains, pas de vérifications.
Les rituels sont mentaux : questionnements, auto-analyse, prière intérieure, comparaison, vérification émotionnelle…
Sortir de la spirale du doute
Camille a entamé une thérapie comportementale et cognitive (TCC).
Elle y a appris à :
• Repérer les compulsions mentales,
• Cesser de chercher la certitude,
• Accepter la présence de pensées dérangeantes sans tenter de les contrôler,
• Se reconnecter à ses valeurs plutôt qu’à ses peurs.
Elle a aussi découvert une vérité essentielle :
ce n’est pas parce qu’on pense quelque chose qu’on le veut ou qu’on va le faire.
C’est en arrêtant de croire que ses pensées définissaient qui elle était qu’elle a commencé à respirer de nouveau.
Des ressources qui l’ont aidée
Camille n’a pas guéri en un jour. Mais elle a avancé, pas à pas, vers une forme de paix intérieure.
Voici ce qui l’a aidée :
• Thérapie TCC avec exposition et prévention de la réponse (EPR) : une approche validée scientifiquement pour les TOC, même “invisibles”.
• Livre : The Imp of the Mind – Lee Baer (en anglais), une référence sur les pensées violentes et la phobie d’impulsion.
• Podcast : Change ma vie – épisodes sur la gestion des pensées et de l’angoisse.
• Application : MindDay – pour pratiquer la pleine conscience et la restructuration cognitive.
• Lecture complémentaire :
• “Libérez-vous de vos pensées obsessionnelles” – Sally Winston & Martin Seif.
Et maintenant ?
Aujourd’hui, Camille vit encore avec ses pensées.
Mais elles ne la définissent plus.
Elles traversent son esprit, comme des nuages dans un ciel qu’elle a appris à ne plus vouloir contrôler.
Elle sait qu’elle n’est pas ses pensées.
Et surtout, qu’elle n’est pas seule.
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